Coin Spadina et Queen, Toronto
Alors qu’une vague de suicides fait des ravages parmi les ouvriers chinois, alors que dans le golfe du Mexique une catastrophe écologique d’une ampleur inégalée et causée par l’activité humaine menace l’un des écosystèmes les plus fragiles de la planète et tandis que l’humanité entière se remet de peine et de misère de la plus grave récession depuis les années 30, récession causée par les spéculateurs et l’irresponsabilité du monde financier, on ne devrait pas s’étonner que des gens descendent dans la rue pour manifester leur opposition, leur doute, leur crainte et leur colère face aux dirigeants de la planète.
Face à cette diversité de problèmes causés par une mondialisation si mal encadrée, on ne devrait pas s’étonner qu’une foule également diversifiée de manifestants aux opinions hétéroclites et aux revendications parfois incompatibles entre elles ne se bouscule, et ne nous bouscule par le fait même, pour hurler son mécontentement.
Or, en décidant de tenir les sommets du G20 et du G8 à Toronto, Stephen Harper s’est assuré qu’aucun message critique légitime ne transpercerait le double mur qu’il a lui-même érigé entre les manifestants et les dirigeants du monde, d’une part, et entre les manifestants et les citoyens canadiens, d’autre part.
Alors qu’il aurait pu être une occasion de discussion, de débat et d’écoute autour de préoccupations légitimes touchant tant les Canadiens que les citoyens de pays moins riches et moins démocratiques, le sommet de Toronto a permis à un conservatisme bien de chez nous, Made in Canada/Fabriqué au Canada, de s’affirmer et de se galvaniser tant à travers les démonstrations de force de nos forces policières et de nos services de sécurité qu’à travers l’atteinte d’un consensus politique réactionnaire pour le statut quo.
Ce conservatisme canadien nouvellement assumé s’est notamment manifesté médiatiquement par l’attention accordée aux casseurs, amateurs et professionnels. En donnant les clés de la ville aux casseurs et aux extrémistes, Stephen Harper leur a donné par le fait même la une des journaux, privant ainsi des manifestants très majoritairement pacifiques mais désorganisés d’une opportunité de passer leur message et d’ouvrir, qui sait, un débat sur la manière dont la mondialisation devrait s’effectuer. À travers ce silence imposé par le brouhaha et les bruits assourdissant des vitres cassées, c’est la voix de ceux et celles qui sont les plus durement touchés par la mondialisation qu’on a bâillonnée. Un vrai leader se serait soucié de chercher à écouter, pas de faire taire et d’emprisonner.
La mondialisation pourrait être une source de progrès, un mot qu’on semble avoir banni de notre vocabulaire politique, mais perd tout son sens si des manifestants pacifiques se retrouvent entre quatre murs pour avoir eu la malchance de s’être trouvés sur le chemin de policiers « qui ne font que leur travail » ou quand, à l’autre bout du monde, des travailleurs s’enlèvent la vie parce qu’ils trouvent leurs conditions de travail insupportables. Quand vient le temps de réfléchir aux liens entre la croissance du PIB mondial et notre capacité à vivre une vie libre et épanouie, il y a au moins de la place pour un débat. Malheureusement pour les Canadiens et les ouvriers chinois, rien n’est plus étranger à Stephan Harper.
mardi 13 juillet 2010
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