lundi 22 mars 2010

Gilles le résistant

Quand on fait face à la grossièreté et qu’on hésite entre l’offuscation et le rire, il faut parfois choisir le rire. Plus tôt cette semaine, c’était l’anniversaire de naissance du Bloc québécois, qui a soufflé ses vingt bougies. Comme cadeau, les militants présents ont eu droit à une allocution sucrée de leur chef, M. Gilles Duceppe.

Dans les débats sur la séparation, les tenants du ‘oui’ comparent immanquablement le Québec à un jeune adulte tout juste sorti de l’adolescence et prêt à voler de ses propres ailes. Dans cette métaphore, la famille est la fédération canadienne. Cette image a toutefois ceci d’insultant pour les Québécois qu’après deux tentatives infructueuses, le jeune se transforme en Tanguy indolent et veule, incapable de quitter le foyer familial. Cette image est évidemment devenue intenable, ne fut-ce que parce qu’on a compris que toute image visant à attribuer à toute une société les attributs psychologiques d’une personne était trop réductrice et immanquablement fausse.

C’est sans doute pour cette raison que le chef du Bloc invoque aujourd’hui l’image du combattant. « L’objectif du Bloc est toujours la souveraineté. Nous sommes des résistants », a-t-il proclamé dans son discours.

Comme l’a justement rappelé Lawrence Canon (il est rare que je cite favorablement un ministre conservateur, mais rendons à César…), la ‘résistance’ est historiquement associée aux combattants des régimes totalitaires, tels que le furent en France le Général de Gaule ou Jean Moulin, ou les républicains en Espagne. Trop de sang a été versé dans la résistance contre de réels ennemis de la liberté pour que puisse être prise au sérieux cette auto-proclamation de la part de Gilles Duceppe, député élu par des citoyens canadiens et financés par un système de financement électoral parmi les plus progressistes et les plus démocratiques que le monde ait connus.

Un tel délire peut être le signe d’une grande fatigue, mais peut aussi être le reflet d’une certaine vérité. Après tout, depuis 20 ans, le Bloc résiste bel et bien. Il résiste à l’idée du Canada, il résiste aux résultats de deux référendums, il résiste à l’idée que les Québécois veulent jouer un rôle constructif dans l’avenir de leur pays, le Canada.

Or par cette rhétorique de résistance, de rejet et de division, le chef du Bloc affaiblit les Québécois et les Québécoises et leur confiance en leurs capacités d’avoir une influence réelle sur leur avenir. Le Bloc a tout intérêt à ce que le système parlementaire canadien ne fonctionne pas, alors il résiste. Il crée des alliances temporaires, juste assez visibles pour montrer 'qu'ils font quelque chose', soutient ici et là des projets de loi ad hoc en phase avec ce que souhaite son électorat, évoque sa collaboration pour la création de politiques populaires sans avoir jamais à se préoccuper des décisions difficiles. Le Bloc résiste à toute conception du Québec comme une société diversifiée et divisées sur de nombreux enjeux. Le Bloc résiste à l’accès au pouvoir des Québécois à Ottawa.

Et le résultat de toute cette ‘résistance’ ? La mise en minorité permanente des gouvernements fédéraux est le principal apport du Bloc Québécois à la politique canadienne, et les Québécois en souffrent aussi. Le sabotage comme tactique de résistance n’a aucune place en ce lieu et en ce temps.

Monsieur Duceppe, pour ce vingtième anniversaire, faites un cadeau à la grande majorité de Québécois qui se sentent aussi Canadiens : laissez la politique fédérale aux partis fédéralistes qui croient au Canada.

2 commentaires:

  1. Les vrais résistants sont les minorités francophones hors Québec. Ils font face à de vrais enjeux quant à leur survie.

    Les souverainistes qui prétendent s'ouvrir au Monde refusent de rencontrer tous ces gens à travers le pays qui sont encore leurs concitoyens.

    À la plage dans le Maine alors que le tombeau des Saints Martyrs Canadiens est sur les rives du Lac Huron. Qu'ils retracent donc les pas de Champlain jusqu'au Lac Supérieur.

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  2. Bravo pour ce blog qui a du mordant! :) Ce n'est pas la première fois que les exploits des Résistants français sont récupérés par des associations, des partis, ou des lobbies, à l'intérieur tout comme à l'extérieur de la France, afin de mousser leurs intérêts. Ainsi il y a deux ans, les Moujahidines du Peuple d'Iran ont tenté de se servir de l'Hymne des Résistants, écrit par Maurice Druon, afin de stimuler le moral de leurs troupes. Lorsque cette tentative de récupération a été connue des Résistants français, des mesures immédiates ont été prises en exigeant des moujahidines de cesser d'utiliser leur hymne et ce, en se servant des lois françaises protégeant le droit d'auteur. Il est a préciser que les Moujahidines ont été menacé d'expulsion par les autorités françaises et que cette organisation est toujours interdite au Canada pour avoir fait l'apologie de la violence en tentant de faire exploser une petite bombe en 1985 à Ottawa.

    Il est effectivement désolant d'apprendre que le Bloc Québécois et son chef, M. Duceppe ont tenté, eux aussi, à une échelle moindre, de récupérer le prestige et la gloire des Résistants à des fins de politicaillerie locale. On pourrait s'attendre à mieux comme rhétorique de la part de nos adversaires. Mais pour nos adversaires du Bloc, il semble bien que tout le monde et n'importe qui peuvent se définir comme des résistants sans en mesurer les implications. Si on se tient à cette logique, Che Guevara se présentait lui-aussi comme un résistant du peuple face aux bourgeois capitalistes mais cela ne lui a pas empêché d'éliminer physiquement des villageois péruviens qui refusaient de le soutenir.

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