samedi 5 juin 2010

La culture de l'interdit

Malgré la présence d’une Charte des droits qui est censée garantir nos droits et libertés individuelles, nous vivons bel et bien dans une société qui aime interdire.

Ainsi, on interdit à soi-même et aux autres d’envoyer ses enfants à l’école de son choix. On penche pour l’interdiction du port du voile aux femmes dans l’espace public. On veut interdire aux femmes d'avoir plein contrôle sur leur corps en cherchant à rouvrir le débat sur l'avortement.

Et on considère comme criminelle la culture, la possession, la vente et la consommation des drogues douces comme la marijuana par et pour des adultes consentants.

La société, par le biais de l’État, va jusqu’à criminaliser des choix que les personnes font pour elles-mêmes, même quand ces choix ne limitent en rien la liberté et la sécurité d’autrui.

J’ai la nette impression que malgré tous les prétextes invoqués pour justifier l’interdiction et la censure sous toutes ses formes (sécurité publique ou nationale, le ‘droit’ du fœtus, la dignité de la femme, santé publique, etc.), la principale raison qui pousse à bannir, à interdire, à limiter les choix vient de la conviction largement répandue chez une certaine partie de la population que leur mode de vie est plus moral que celui des autres. Que leur conception de ce qu’est une vie ‘bonne’ est meilleure, plus vertueuse, que celle des autres. Cette tendance à l’interdiction se traduit par une volonté de maintenir de façon intégrale et pure un mode de vie actuellement valorisé par une majorité (pureté linguistique, éthique, religieuse, culturelle, sanitaire, sécuritaire, etc.) dans un temps et dans un lieu précis.

Chaque citoyen devrait se sentir préoccupé par cette tendance qui n’a rien de naturelle, qui est socialement construite, mais qu’on rencontre si fréquemment, au point que les plus libéraux parmi nous y succombons à l’occasion. Pourtant, aucun d’entre nous ne peut garantir que ses choix personnels ne feront un jour l’objet d’une interdiction, parce que ceux-ci viendront à l’encontre de la majorité morale du moment.

Les sondages rapportent fréquemment qu’une majorité des Canadiens sont en faveur de la légalisation de la marijuana; et on sait qu’une majorité de citoyens ont déjà consommé du pot au moins une fois dans leur vie. Or, cela est en porte-à-faux avec la loi. Ainsi, une bonne partie de la population posséderait aujourd’hui un casier judiciaire si l’État avait ou avait eu les moyens et les effectifs pour faire appliquer la loi dans son intégralité ou selon une interprétation stricte. Les Canadiens qui font usage de la mari (pour en consommer, il faut bien en posséder !) vivent aujourd’hui dans une marge, dans un flou légal, et cette zone grise dans la loi limite à elle-seule la liberté des individus. Et la solution, pour dissiper ce flou, n'est certainement pas la radicalisation conservatrice contre les usagers.

L’État devrait protéger les droits des personnes à vivre leur vie comme ils l’entendent dans le respect des droits des autres. Pour ce faire, il doit cesser d'alimenter la culture de l’interdit.

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