lundi 11 janvier 2010

De l’absence de droit inhérent à se parquer gratis

Coin Marie-Anne et Bordeaux, 19h00.

La journée au travail s’est bien déroulée, et il me reste quelques achats à faire sur Mont-Royal. Les deux mains agrippées sur le volant, je me cherche un stationnement pour me rendre à ma boucherie préférée, je cherche encore et, malgré les plaintes entendues tous les jours sur le prix de l’essence et qui normalement devraient mener à des tas d’espaces libres, je cherche toujours. (eh oui, je suis un de ces habitants du Plateau qui possède une voiture).

Tiens, belle allégorie de ceux qui prétendent vouloir exercer le pouvoir. Les deux mains sur le volant, une file d’impatients qui te pousse derrière et qui font du bruit, ta position privilégiée qui te donne accès à une certaine vision des choses (la jeune mère avec son carrosse, que ceux qui te suivent ne peuvent ou ne veulent pas voir), ta volonté de respecter la loi et la complexité d’icelle - pas moins de 8 panneaux sur 5 poteaux, comprenant pas moins de 20 informations cruciales - ont été utilisées pour t’informer de tes droits et obligations de conducteur- et tu devras mobiliser toutes tes ressources éducationnelles pour comprendre que tu aurais pu te stationner à cet endroit s’il n’y avait pas eu de borne fontaine. Coin Marie-Anne et Bordeau, 19h00, les joies de la ville.

L’apprentissage de la lecture rapide et sous pression est un des bénéfices collatéraux d’habiter dans un quartier urbain comme le Plateau-Mont-Royal.

Le thème aujourd’hui est à la jonction entre le parking, l’intolérance et le leadership.

Une nouvelle publiée dans Cyberpresse hier à l’effet que toutes les places de stationnement sur le Plateau seront payantes d'ici peu pour les non résidants. L’équipe éditoriale de la Presse s’empresse de poser à ses lecteurs la question a cent piasses : « à qui appartiennent les rues du Plateau ? »

La question posée par les éditorialistes de la Presse était à la fois racoleuse et à côté de la plaque. À cette question existe une réponse technique, légale, qui a déjà sa réponse dans les textes de la loi. Les éditorialistes auraient pu tout aussi bien poser la question : « qui possède le pouvoir de réglementation et de taxation concernant les stationnements ans les rues du Plateau ». La réponse est claire : c’est les élus de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal qui possède ce pouvoir, peu importe à qui la rue appartient juridiquement.

Suis-je d’accord avec cette mesure de Projet Montréal ? Je suis pour le principe général du pollueur payeur, comme je suis pour le fait d’assigner un prix à ce qui a de la valeur. Et je suis pour les administrations qui prennent la décision de lever des taxes si elles croient que le bien commun l’exige et si elles acceptent d’en payer le prix politique. L’espace de stationnement a une valeur, et devrait donc avoir un prix. Que ce prix soit moins cher pour les résidents de l’arrondissement, qui doivent tout de même payer leur vignette, cela me semble normal.

Ce faisant, l’administration fait d’une pierre trois coups : elle se donne les moyens de réduire le déficit de 4 millions dont elle a hérité (la page Facebook de Projet Montréal en fait la première justification), libère des places de stationnement et concrétise une certaine volonté d’attribuer un prix aux externalités, c’est-à-dire à tout ce qu’on a toujours considéré à tort comme étant naturellement gratuit mais qui a un coût qui est ‘absorbé’ par le système (que d’autres paient ou que nous finirons tous par payer).

La flopée de commentaires suite à la question de la Presse laisse apparaître une forte tension entre les habitants de la ville et ceux de la banlieue, ces derniers estimant le plus souvent qu’ils possèdent un droit inaliénable au stationnement gratuit (« comme il est gratuit en banlieue, il devrait l’être en ville aussi, non ? »). Or, ce droit n’existe pas. La rareté des espaces de stationnement, en plus d’une certaine volonté politique d’attribuer un prix aux externalités découlant de l’utilisation des infrastructures routières, pousse l’administration à mettre un terme au privilège du stationnement gratuit, ce qui devait arriver tôt ou tard. Tôt ou tard, tout le monde, y compris les résidents du Plateau-Mont-Royal, qu’ils possèdent une voiture ou non, devront payer plus cher à peu près tout ce qu’ils achètent.

Ceci dit, les modalités d’application du nouveau règlement devront être expliquées clairement à la population du Plateau même. Des solutions pourraient être trouvées pour atténuer les effets subis tant par les résidents du Plateau qui souhaite recevoir de la visite ou par les commerçants. Par exemple, le système de parcomètre pourrait être adapté pour tenir compte de l’achalandage en fonction de la zone et du moment de la semaine et de la journée; lorsque l’achalandage est fort dans une zone à une heure donnée, cela indique que la demande est forte, ce qui pourrait amener des tarifs plus élevés, le contraire étant vrai pour les périodes plus calmes et les zones moins en demandes. À la manière des Bixi, dont on peut voir la disponibilité sur le site web de l’organisme qui le gère, on pourrait voir en temps réel l’intensité de l’utilisation des parcomètres pour chaque rue et les tarifs en vigueur à ce moment.

Bref, il est possible avec un peu d’imagination de rendre flexible et moins douloureuse l’application du règlement proposé.

Par ailleurs et dans un autre ordre d’idée, certains commentaires du Forum mis en place par Cyberpresse frôlent l’intolérance envers les résidents du Plateau, qu’on désigne de toute sorte de qualificatifs (les critiques des citadins envers les banlieusards ne sont pas toujours très civiques non plus !). À mon avis, les petits conflits locaux du type de ceux opposant les banlieues aux quartiers urbains se trouvent amplifiés du fait de l’absence de leadership adéquat à l’échelle canadienne notamment. Sur la question environnementale, c’est évident. Un leadership adéquat du gouvernement fédéral sur la question environnementale donnerait le ton en montrant l’exemple au sujet des mesures à prendre, au sujet des cibles et des priorités à atteindre, établirait des meilleurs pratiques; il ferait la pédagogie nécessaire pour faire comprendre et accepter que l’utilisation des moyens de transports a des coûts qui sont absorbés par le système, coûts que nous finirons tous par payer.

Philippe Allard
Candidat du Parti libéral du Canada dans Laurier-Sainte-Marie

1 commentaire:

  1. Excellent commentaire M. le candidat. Fait correctement, le concept d'utilisateur/payeur, m'apparaît comme une solution adéquate à des problèmes multiples. Bien sûr, il faut exclure certains types de services (soins de santé, éducation), mais pour bien des choses, ça me semble tout à fait pertinent comme approche

    RépondreSupprimer