lundi 25 janvier 2010

Victoire des Canadiens en prorogation

Coin Maisonneuve et Saint-Hubert, samedi le 23 janvier, 11h

Samedi dernier, des milliers de Canadiens ont manifesté leur opposition à la décision du gouvernement Harper de proroger le Parlement au beau milieu d’une session parlementaire. À Montréal, quelques centaines de personnes ont pris part à une marche de protestation et de soutien envers le travail des députés, marche qui a débuté à la Place Émilie-Gamelin, lieu de toutes les luttes démocratiques, pour se terminer au Square Phillips (aucune parenté).

Dire que la manifestation était non partisane est inexact. On doit plutôt la qualifier de multi-partisane. De fait, le caractère partisan de l’activité sautait aux yeux de quiconque s’est présenté au fil de départ. Les partisans du Bloc Québécois, Gilles Duceppe en tête, affichaient fièrement leurs couleurs avec leurs pancartes « Présents pour le Québec » avec le logo du Bloc; les partisans du NPD, un peu plus subtils, brandissaient des pancartes orange avec quelque slogan. J’ai même eu le bonheur de recevoir un tract, pardon, de la documentation, du Parti communiste du Québec/Canada; et que dire de cet homme qui portait fièrement le béret et brandissant solennellement le drapeau des Patriotes. Il avait un petit air, comment dirais-je…exotique. On pouvait reconnaître les troupes libérales par la présence des députés de Marc Garneau, Marlene Jennings, Justin Trudeau, Alexandra Mendes, Francis Scarpaleggia et de nombreux candidats et militants de la région montréalais (À mon avis, les libéraux ne devraient pas être timorés lorsqu’il s’agit d’afficher leurs couleurs, surtout au Québec). Les organisateurs ont même jugé bon de faire faire des discours aux représentants de quatre partis politiques (incluant les Verts, qui n’ont aucun élu au Parlement); ils auraient pu décider de donner la parole à de 'simples citoyens', mais ont choisi avec raison l'approche 'partisane'.

Cette volonté des organisateurs (qu’ils soient tout de même félicités pour leur travail) d’en faire une activité non partisane m’apparaît être un symptôme d’une mécompréhension de l’importance et de l’utilité des partis politiques dans notre vie démocratique.

Le parti politique canalise un ensemble de valeurs à travers une organisation plus ou moins structurée et un réseau de militants plus ou moins engagés. Au sein du parti, les idées sont générées (ou absorbées quand elles viennent de l’extérieur), digérées, testées à travers des processus formes ou informels, certaines sont rejetées et d’autres se transformeront en positions officielles ou même en lois et en politiques. Au niveau de la participation citoyenne, le parti politique est un lieu privilégié d’engagement politique où le bénévolat est un élément capital à la vie démocratique : transmettre des idées et partager et faire connaître nos convictions et nos positions politiques sont autant de façons de communiquer et de s’informer mutuellement de différents points de vue qui peuvent exister sur des questions qui sont importantes pour nous.

Certes, plusieurs citoyens n’ayant aucune affiliation politique étaient présents lors de cette marche; leur présence témoigne d’un certain pluralisme dans la manière d’aborder la politique et c’est très sain (comme toute forme de pluralisme, mais c’est une autre question). Toutefois, je soupçonne que pour plusieurs personnes, l’affiliation à un parti représente, à tort selon moi, un obstacle à deux qualités qu’on présente trop souvent pour des vertus absolues en politique : la neutralité et l’indépendance de pensée. « Être partisan, c’est manquer de neutralité », entend-on souvent. Je dis pour ma part que la neutralité absolue est un leurre et que face à de nombreux problèmes concrets, il est important de prendre une position claire et sans ambiguïté. La neutralité, dans certain cas, est une faiblesse : ce n’est pas être neutre que d’aller manifester contre la prorogation; c’est affirmer haut et fort ce qu’on valorise. Quant à l’indépendance et la liberté d’agir et de pensée, le fait de militer pour un parti est le fruit même de cette liberté. Comme dans tout contrat, nous acceptons de limiter notre liberté d’agir parce que nous croyons qu’au bout du compte cela nous sera bénéfique. Si je suis en désaccord avec la position de mon parti sur un enjeu, mais que pour cinq autres je suis en accord avec lui, il y a des fortes chances pour que le compromis me soit acceptable. Pour certaines personnes, le compromis qu’on fait avec soi-même est le pire qui puisse être fait.

La manifestation de samedi était partisane, mais n’était pas que partisane. Et il est normal et légitime que des manifestations politiques soient partisanes.

Par contre, que le Premier ministre agisse de manière partisane dans l’utilisation de ses prérogatives ne va pas du tout, et c’est pour cette raison que des milliers de Canadiens ont manifesté samedi dernier et continueront de le faire. Étant donné les vastes pouvoirs qu’il détient, il a la responsabilité d’en faire un usage qui respectera et qui garantira que la volonté de la majorité des députés soit respectée. Son poste devrait être au dessus des considérations partisanes et Stephen Harper n’a jamais su s’en montrer digne.

Notre premier ministre restera probablement sourd à l’appel des Canadiens. En se rassemblant par milliers partout au Canada, les Canadiens de tous les partis ont déjà remporté une victoire sur le cynisme antidémocratique. Go Canadiens Go !

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